Pionnières

Eulalie Durocher (bienheureuse Marie-Rose Durocher) accompagnée de ses deux compagnes, Henriette Céré (Marie-Madeleine) et Mélodie Dufresne (Marie-Agnès) furent les trois premières religieuses de la Congrégation des Sœurs des Saints Noms de Jésus et de Marie.

Très tôt après leur arrivée à Longueuil, deux autres jeunes femmes ont joint la Congrégation, Salomé Martin (Thérèse-de-Jésus) et Hedwidge Davignon (Véronique-du-Crucifix).

Henriette Céré
Sœur Marie-Madeleine
1804-1885

Henriette Céré est née à Longueuil. Elle est l’institutrice attitrée de la famille et de presque tous les enfants du Rang de la Savane. Sa bonne réputation d’enseignante la conduira à l’école de la Fabrique, en face de l’église Saint-Antoine. C’est dans cette maison que débuta la Congrégation des Sœurs des Saints Noms de Jésus et de Marie, en 1843. Sœur Madeleine a souffert de la mort prématurée de mère Marie-Rose (1849) et plus tard, de celle de sa compagne Mélodie Dufresne (Marie-Agnès).

Femme créative, elle transmettra aux novices et aux professes son art d’enseigner. Elle participera à la fondation du couvent de Saint-Timothée en 1848. Partout où elle ira, elle aura toujours le souci d’offrir un environnement agréable. Elle est décédée à l’âge de 80 ans.

Henriette Céré - Biographie complète

Henriette Céré
Sœur Marie-Madeleine
1804-1885

Son enfance

Henriette Céré est née à Longueuil, le 20 août 1804, de François-Xavier Céré et de Ursule Brun dont l’ancêtre a survécu à la déportation acadienne. Elle est la troisième d’une famille de 17 enfants. Elle reçoit son éducation de base de monsieur Jean-Marie Cherrier, futur avocat. Elle fréquente ensuite le couvent de Boucherville tenu par les Sœurs de la Congrégation Notre-Dame.

Sa vie de jeune femme

À 19 ans, Henriette est admise chez les Hospitalières de l’Hôtel-Dieu de Montréal. Atteinte de typhoïde, elle doit revenir au foyer. À 22 ans, elle est devenue l’institutrice attitrée de la famille et de presque tous les enfants du Rang de la Savane. À sa demande, son père construit une petite école sur la propriété familiale. Grâce à sa bonne renommée, en 1838, le curé Manseau l’invite à enseigner à l’école de la Fabrique où elle obtient un réel succès.

Une fondation à Longueuil

Henriette rêve toujours de devenir religieuse. Le 28 octobre 1843, elle accueille dans son école deux compagnes: Eulalie Durocher et Mélodie Dufresne. Ce sera l’origine de la Congrégation des Sœurs des Saints Noms de Jésus et de Marie. La vie s’organise progressivement. À 39 ans, c’est tout un défi pour cette femme entreprenante de s’adapter aux exigences de la vie communautaire et de l’obéissance religieuse.

Maîtresse du pensionnat, sœur Marie-Madeleine s’occupe des grandes élèves. Elle est aussi chargée d’une classe chez les externes. Quoique sévère pour la discipline, elle respecte les enfants qui apprécient son dévouement et ses attentions. Créative, elle sait les amuser et les intéresser; elle a toujours une histoire à raconter. Elle enseigne merveilleusement bien la lecture. Elle a une prédilection pour les pauvres, les orphelins, les malades, les déshérités de fortune et d’intelligence. Son souci du succès scolaire et de la formation morale de leurs filles rassure les parents. Son expérience pédagogique est précieuse pour les jeunes professes et les novices.

Expansion de la Congrégation

Le 17 août 1848, avec trois compagnes, elle participe à la fondation de Saint-Timothée. Elle organise la maison et les classes et s’emploie à enjoliver le vaste terrain du couvent. Elle contribue également à l’expansion des couvents de Saint-Roch-de-l’Achigan et de Verchères, lieu de naissance de sa mère.

Ses derniers jours

Un rhumatisme inflammatoire l’afflige périodiquement. Retraitée à Longueuil, elle rend divers services. Elle se plaît à raconter son passé, les incartades de sa jeunesse, les débuts de la Communauté. On lui témoigne de la considération. Elle mourra le 9 janvier 1885 à l’âge 80 ans.

À sa mémoire

À Saint-Hubert, 6345 chemin de Chambly, le Centre d’Accueil Henriette- Céré, résidence pour personnes âgées, commémore la mémoire de cette femme compatissante. Le lieu géographique correspond approximativement au Rang de la Savane où elle enseignait jadis.

Mélodie Dufresne
Sœur Marie-Agnès
1809-1881

Mélodie Dufresne est native de Beloeil. Elle fréquente d’abord l’école du village et poursuit sa formation chez les Sœurs de la Congrégation de Notre-Dame à Saint-Denis-sur-Richelieu. Elle est la deuxième d’une famille de quatorze enfants.

Amie d’Eulalie Durocher, elle la secondera durant une dizaine d’années au presbytère de Beloeil. Elle participera avec elle à la fondation de la Congrégation des Sœurs des Saints Noms de Jésus et de Marie, à Longueuil, en 1843. Artiste, elle dirige les travaux des élèves. Elle les initie avec beaucoup de soin aux arts ménagers et aux arts d’agréments. Plusieurs de ses œuvres (ornements sacerdotaux) sont conservées aux Archives de la Congrégation.

Toute donnée à Dieu, elle meurt à 72 ans. Elle a toujours honoré la mémoire de mère Marie-Rose et désiré conserver vivant son esprit.

Mélodie Dufresne - Biographie complète

Mélodie Dufresne
Sœur Marie-Agnès
1809-1881

Son enfance

Mélodie Dufresne est née à Beloeil le 9 novembre 1809. Elle est la deuxième enfant de Jean-Baptiste Dufresne dit « maître forgeron » et de Ursule Poirier. La famille compte quatorze enfants dont huit seulement survivront. Situation privilégiée pour l’époque, M. Dufresne défraie le coût du cours classique pour ses garçons et deux années de pensionnat pour ses filles.

Mélodie fréquente d’abord l’école du village et poursuit ensuite sa formation au pensionnat Saint-Denis-sur-Richelieu, chez les Sœurs de la Congrégation de Notre-Dame.

À Beloeil avec Eulalie Durocher

En 1825, elle rencontre pour la première fois Eulalie Durocher (mère Marie-Rose). Les deux jeunes filles sympathisent immédiatement. Peu après une tentative de vie religieuse chez les Sœurs de la Congrégation de Notre-Dame, en 1833, Mélodie est invitée à venir seconder Eulalie au presbytère de Beloeil. Un même désir de consacrer leur vie à Dieu les rapproche. Jusqu’en 1843, elles mettront leur compétence et leur créativité au service de la paroisse Saint-Mathieu, à Beloeil, et elles collaboreront à la mission des Pères Oblats de Marie-Immaculée.

Vie à Longueuil

En 1843, Eulalie et Mélodie sont invitées par Mgr Ignace Bourget à se rendre à Longueuil rejoindre Henriette Céré, institutrice à l’école de la Fabrique. Cette maison est désignée comme le « berceau de la Communauté » des Sœurs des Saints Noms de Jésus et de Marie vouée à l’éducation des jeunes. Elles y demeureront jusqu’en août 1844 alors que le couvent de Longueuil est prêt à les accueillir.

Le 8 décembre 1844, les trois fondatrices prononcent leurs vœux dans l’église Saint-Antoine-de-Padoue, à Longueuil. Mélodie prend le nom de sœur Marie-Agnès. Toute sa vie, elle s’appliquera aux tâches qu’on lui confie: tenue de maison, couture, dessin et arts d’agrément. Les réalisations de son talent d’artiste lui sont une source de joie.

Maîtresse des travaux des élèves, elle leur attribue des charges de confiance. Si elle se montre parfois trop exigeante, elle sait s’excuser avec grande humilité. Un cœur généreux, le souci du beau et une grande sensibilité viennent atténuer des difficultés de caractère manifestées dès son jeune âge. «Elle était raide, mais nous disions: ‘C’est une sainte’», affirme une ancienne élève.

Vers l’au-delà

La mort de mère Marie-Rose, en 1849, a laissé un grand vide dans le cœur de sœur Marie-Agnès. C’est en Dieu qu’elle a trouvé force et espérance pour maintenir l’esprit vivant de la fondatrice. « Mystique de Jésus » comme ses compagnes l’ont surnommée, elle a vécu le renoncement et la prière dans l’offrande de sa vie d’enseignante, d’artiste et de religieuse. Elle est décédée à l’âge de 72 ans, le 22 décembre 1881.

Salomé Martin
Sœur Thérèse-de-Jésus
1823-1890

Salomé Martin est née à Saint-Philippe de La Prairie, au Québec. Son père se joint aux Patriotes durant les troubles de 1837. Il est porté disparu. Sa mère doit fuir dans les bois avec ses plus jeunes enfants, dont Salomé. Celle-ci fut la première postulante à se joindre aux trois fondatrices de la Congrégation des Sœurs des saints Noms de Jésus et de Marie.

Éducatrice remarquable, elle était animée d’un grand esprit missionnaire. Troisième supérieure générale, elle envoie 12 religieuses en Oregon dès 1859. Elle comptait sur la Providence pour aller de l’avant et vaincre les nombreuses difficultés de son parcours.

Outre les fondations de Saint-Roch de l’Achigan, Hochelaga, Saint-Louis de Gonzague et Valleyfield, on lui doit aussi celles d’Ontario, New York, Californie, Floride et Manitoba.

Salomé Martin - Biographie complète

Salomé Martin
Sœur Thérèse-de-Jésus
1823-1890

Son enfance

Salomé Martin est née à Saint-Philippe de La Prairie, au Québec. Son père Jean-Baptiste Martin est fermier et aubergiste. Ayant joint les Patriotes durant les troubles de 1837, il est porté disparu. Sa mère Adélaïde Mac Nil, Écossaise de naissance, devra pourvoir à l’éducation de ses 13 enfants. Salomé est la douzième de la famille.

Sa jeunesse

Grâce à sa curiosité intellectuelle, Salomé acquiert une solide formation générale. Elle développe ses talents artistiques auxquels s’allient des aptitudes pour l’administration et les affaires. Des atouts très précieux pour celle qui, dès l’âge de 20 ans, collaborera à l’œuvre de mère Marie-Rose dont elle admire la foi et l’esprit missionnaire.

Éducatrice et animatrice

Enseignante, sœur Thérèse-de-Jésus possède l’art de transmettre ses connaissances, de susciter l’intérêt de ses élèves et de leur inculquer le goût de la culture. Elle aime les enfants qui le lui rendent bien. Innovatrice, elle assure la renommée des institutions dont elle a la charge.

Au tout début de sa vie religieuse, elle démontre d’évidentes qualités de « leadership ». Ce qui l’amènera à assumer des postes d’autorité conformes à son tempérament actif, voire téméraire. De nature enjouée, elle aime rire, elle a le sens de la fête; elle sait créer un climat communautaire favorable à la détente après le labeur.

Dans le feu de l’action

Missionnaire dans l’âme, sœur Thérèse désire travailler à l’évangélisation des humbles, des petits, dans les milieux défavorisés. On l’entendra dire : Si on demande à Mgr Bourget des religieuses pour les missions lointaines, nous y volerons. Devenue supérieure générale de sa Communauté, elle enverra deux contingents de religieuses dans les territoires de l’Oregon. Elle les visitera pour les soutenir, connaître leurs conditions de vie et régler les problèmes qui se présentent.

Sa route ne sera pas sans embûches. Elle devra souvent tenir tête aux membres du clergé –aumôniers et évêques– qui s’arrogent des pouvoirs indus. Ils se mêlent de la régie interne de la communauté, des affaires temporelles, des contenus pédagogiques et même de l’ouverture d’un noviciat.

Devant les critiques et les dénonciations, elle ne cherchera pas à se disculper. Elle exposera sa vision des choses. Les difficultés et les échecs sont l’occasion de vivre l’humilité qui la caractérise. Car elle compte « aveuglément » sur la Providence qui la dirigera vers l’avenir. Perspicace, souvent inspirée, elle porte des rêves sans frontières qui ne seront pas toujours possibles. Blancs ou noirs, francophones ou anglophones, Cubains, Italiens, tous sont l’objet de son attention.

Temps d’arrêt

En 1876, elle doit quitter Key West, rappelée à Hochelaga sans doute à cause des critiques d’un prêtre qui n’apprécie pas ses requêtes d’autonomie. Après un an de réclusion, elle retournera se dévouer en terre américaine. En 1887, elle connaît un sort semblable. Elle est mise à la retraite à Longueuil. Quelle souffrance de se sentir un « membre inutile ».

En 1889, sa santé est ébranlée. Elle souffre d’un mal incurable qui la conduit à l’Infirmerie d’Hochelaga. Elle accepte son sort avec courage et foi : « Je ne peux me rebeller contre la volonté de Dieu », dira-t-elle. Elle meurt le 12 août 1890 à l’âge de 67 ans.

Pour la gloire de Jésus et de Marie

Le dynamisme, l’intrépidité et le sens apostolique de sœur Thérèse-de-Jésus ont donné souffle et vitalité à la Congrégation et à l’Église. Cette pionnière a réalisé le rêve de mère Marie-Rose qui disait à ses novices :

« Priez pour nos sœurs qui, plus tard, iront en missions lointaines ».

Hedwidge Davignon
Sœur Véronique-du-Crucifix
1820-1903

Hedwidge Davignon est née à St-Mathias-de-Rouville. Son père, fermier, meurt alors qu’elle n’a que 5 ans. Sa mère enseigne à l’Académie Davignon et assure l’éducation de ses 10 enfants. Hedwidge fréquente le couvent des Sœurs de la Congrégation de Notre-Dame à Saint-Hyacinthe. Elle y développera ses dispositions pour les arts et l’étude et deviendra institutrice à l’école de sa mère.

Elle sera la 5e recrue à entrer dans la Congrégation des Sœurs des Saints Noms de Jésus et de Marie. Éducatrice née, elle possède des dons exceptionnels pour l’éducation et un grand esprit apostolique. C’est elle qui succédera à mère Marie-Rose comme supérieure générale (1849-1857).

Elle a fondé les pensionnats de Saint-Hilaire, Beauharnois et Verchères. Responsable des sœurs missionnaires en Oregon de 1864 à 1872, elle visite les maisons, apporte secours et encouragement et s’attire l’estime du milieu. Elle meurt à l’âge de 83 ans.

Hedwidge Davignon - Biographie complète

Hedwidge Davignon
Sœur Véronique-du-Crucifix
1820-1903

Sa jeunesse

Hedwidge Davignon est née à Saint-Mathias-de-Rouville. Son père, Joseph Davignon dit Beauregard, est fermier. Il meurt alors que l’enfant n’a que 5 ans. Sa mère, Victoire Vandandaigue dit Gadbois, enseigne à l’Académie Davignon et assure l’éducation de ses 10 enfants. Hedwidge fréquente le couvent des Sœurs de la Congrégation de Notre-Dame à Saint-Hyacinthe. Elle y développera ses dispositions pour les arts et l’étude et deviendra institutrice à l’école de sa mère. Hedwidge a vécu les Troubles de 1837. Lors d’une émeute, son frère Joseph est arrêté, puis déporté aux États-Unis.

La première rencontre d’Hedwidge avec Eulalie Durocher (mère Marie-Rose) a lieu à l’occasion de la bénédiction de la Croix du mont Saint-Hilaire en 1841. Par la suite, la jeune fille se plaira à visiter Eulalie et Mélodie Dufresne, au presbytère de Beloeil. Elle deviendra la 5e religieuse de la Congrégation.

Sa personnalité

Sœur Véronique-du-Crucifix nous apparaît sous les traits d’une femme exceptionnelle par ses qualités de cœur et d’intelligence, par sa foi profonde et son souci des personnes. Sa grande ardeur apostolique l’a menée jusqu’en Oregon après qu’elle eût saisi de l’intérieur les grands besoins de cette contrée. Elle y apporta soutien, formation et encouragement aux jeunes sœurs missionnaires. Ce qui lui a valu l’estime des parents, des orphelins, des protestants et même des Indiens qui campaient non loin de la résidence.

Au contraire de sœur Thérèse-de-Jésus, on a pu lui reprocher trop de tolérance à l’égard du clergé qui s’ingérait dans l’organisation et la vie de la Communauté. Femme sensible à l’extrême, on la verra pleurer dans la joie comme dans l’épreuve. Elle trouvait dans la prière la joie et la sérénité qui maintenaient son élan.

Son engagement

Extraordinaire pédagogue, sœur Véronique a toujours été attirée par l’enseignement aux enfants pauvres. Elle a contribué efficacement à notre mission d’éducation par l’étendue de ses connaissances et son application à innover, elle qui, avec sœur Thérèse-de-Jésus avait été initiée aux méthodes des Frères des Écoles chrétiennes dès 1844. Directrice des études durant de nombreuses années, elle a rédigé un Directoire longtemps en usage dans la Congrégation.

Active durant 56 ans, sœur Véronique a cumulé des postes importants de leadership. Elle a remplacé mère Marie-Rose comme supérieure générale et a toujours cherché à conserver l’esprit insufflé par la fondatrice. Maintenir l’unité dans la Congrégation était essentiel à ses yeux. Et pour elle, la communication était un moyen important de l’assurer. Sa correspondance variée, le partage de ses expériences de voyages missionnaires et les notes biographiques sur la fondatrice en témoignent.

Ouvrière vaillante, celle qu’on a surnommé « la Mère du Pacifique » a été au cœur de notre histoire. Elle a bien rempli la mission que lui avait assignée mère Marie-Rose en quittant cette terre. Retirée à l’Infirmerie d’Hochelaga et souffrant de rhumatisme, elle affirmera avec humour qu’il vaut mieux « être prise par les jambes que par la tête ou les mains », car elle peut encore écrire et se rendre utile. Décédée à l’âge de 83 ans, elle ne laissera qu’admiration et gratitude.